




21.12.2021, Porto Ferro
Chère Maman,
Aujourd’hui c’est l’hiver.
Le lit n’est pas d’un confort absolu…
Il fait déjà bien jour.
Ça fait longtemps que je ne me suis pas levée si tard.
J’ai le visage gonflé. J’ai souvent ça quand je dors sous ma tente. Mais je pense que c’est surtout quand j’ai froid. Un peu comme toi je crois.
Mon matin est calme. J’écris un peu.
Et puis j’ai faim.
Je commence à me préparer quelque chose, tous les chats arrivent et miaulent. Ils doivent être affamés, ou bien simplement gourmands.
Je prends une serviette et un maillot puis me dirige vers la plage. Tout est toujours désert. De rares voitures passent parfois. J’arrive à la plage. Deux chiens complètement identiques commencent à me suivre. Ils sont de couleur ocre. Il y a un chat noir aussi. Je n’aime pas du tout ça. Des animaux qui me suivent. J’essaye de m’imaginer qu’ils sont comme des gardiens et qu’ils sont là pour me protéger. Mais je ne me sens pas en sécurité suivie comme ça. Cela me rappelle une fois, quand j’étais seule en Irlande, j’étais à pied, et un chien m’avait suivie sur plusieurs kilomètres, impossible de m’en débarrasser. J’en garde encore un mauvais souvenir.
A un moment donné, ils ne sont plus là. Peut-être qu’ils gardaient simplement leur territoire.
Il y a beaucoup de petits morceaux de plastique colorés sur le sable. Il y a aussi du bois flotté de toutes les tailles.
Je regarde la mer. Je ne fais rien. Je me demande si je vais aller me baigner finalement. Le sable est presque rouge. La mer est agitée, vraiment.
J’allume internet sur mon téléphone et regarde mes messages. Je réponds à tout ce dont je n’avais pas eu le temps de répondre depuis plusieurs jours. Internet ne fonctionne pas très bien et je dois économiser mes data car je suis à l’étranger.
Je regarde encore la mer et je ne sais pas si c’est le vent ou si c’est moi, mes yeux s’humidifient. Une tristesse m’envahit. Je reste encore un moment assise sur le tronc d’arbre flotté qui a sans doute dû passer quelques semaines en mer avant de s’échouer ici. D’où vient-il ?
J’ai l’impression d’être restée vraiment longtemps. Un plongeur est passé. Je repars. Je ne me serais donc pas baignée ? Non, je veux quand même toucher l’eau. Alors je me déshabille. Je mets mon bas de maillot, pas le haut il n’y a personne de toute façon, et je me dirige vers l’eau. J’y vais jusqu’à la taille. Les vagues sont fortes et je n’ai pas beaucoup d’énergie. Je suis fatiguée. S’il y avait plus de soleil peut-être que j’y serai allée entière.
Je suis de retour et je dessine un peu, je sens mon corps vraiment fatigué, chaque mouvement est un effort. Je me demande quand même si je ne devrais pas repartir à vélo et tant pis pour les carabinieri. De toute façon, comment pourraient-ils me retrouver ? Avec le document que j’ai rempli avant de partir en indiquant mon adresse d’arrivée ? (Un document que les voyageurs européens doivent remplir pour déclarer leurs déplacements.) Alice m’a quand même fait peur en me racontant que les carabinieri pouvaient se déplacer au domicile des gens, par exemple ils sont venus plusieurs fois chez les parents de sa colocataire pour vérifier qu’ils étaient bien confinés chez eux.
Ce soir dans la douche je saigne du nez. Depuis combien de temps n’avais-je pas saigné du nez ? 10 ans peut-être. Je me souviens du ballon pris en pleine face alors que j’étais gardienne de foot en 4e ou 3e. J’avais arrêté le ballon heureusement, mais plusieurs vaisseaux sanguins n’avait pas survécus…
J’ai écris ça quelque part dans mon cahier jaune aujourd’hui :
« C’est plus l’idée d’avoir du temps, que d’avoir du temps en lui-même, qui m’apaise. »
Maëlle
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