Sardaigne – 22.12.2021

22.12.2021, Porto Ferro

Chère Alice, 

Je suis tellement fatiguée, j’ai dû dormir pas loin de 11 heures.
Cette nuit, j’ai rêvé que maman attendait un bébé de nouveau. C’était un peu bizarre. Je crois que c’était un garçon. Ça voudrait dire que j’aurai 25 ans de différence avec lui. Et toi 21 ! Étrange sensation.
Je fais chauffer de l’eau.
J’écris un peu dans mon cahier jaune.
J’ai vite faim. Alors je me prépare des légumes et des spaghettis. Les chats sont toujours là, à l’affût de ce qu’ils pourraient chaparder.
J’aimerais manger du chocolat mais je n’en ai pas.

Je pars en balade, j’ai vu qu’il y avait un lac. Le soleil se montre. Oh comme c’est agréable un peu de chaleur sur mon visage. J’ai l’impression de marcher très longtemps sur la grande route toute droite.
J’arrive sur des petits chemins de sable rouge.
Je sens toute la fatigue dans mon corps.
Chaque pas me semble lourd.
Je m’assois sur un tronc d’arbre dans une clairière.
J’attends un long moment, là. 
Je regarde le ciel et aussi mon téléphone. Est-ce qu’internet passe mieux ici ? Pas tellement…
Je repars dans les petits chemins de sable et surtout déserts.
Pourquoi je ne semble pas accepter le fait qu’il n’y ai personne ? Pourtant quand je me balade dans la campagne de Jardin, notre village d’enfance, il n’y a pas grand monde non plus et ça me va bien.
Mais là je ne sais pas. Je sens quelque chose d’étrange.
Je sens une odeur de printemps. Pas le printemps de Bretagne ou d’Alsace, le printemps de Jardin, de notre village. Des balades que je faisais seule, espérant parfois qu’il se passe quelque chose de magique comme dans les histoires et dans les films qu’on regardait enfants.
Je ne connais pas ce genre de végétation. Des pins, des palmiers, beaucoup de trèfles.
Depuis que je m’intéresse aux plantes sauvages comestibles, j’avais pris pour habitude de faire attention aux plantes que je croisais. J’avais un peu dans mon vocabulaire certaines d’entre elles qui bordaient les routes de Bretagne. Mais là tout m’est inconnu. Même les pâquerettes ne sont pas pareilles qu’en France je trouve.

Le soleil chauffe, je peux enlever deux épaisseurs. C’est bien d’avoir chaud, ça fait deux jours et demi que je n’avais pas chaud à part dans ma douche le soir. Il n’y a pas de chauffage dans le logement. Sache que quand tu viendras, ce sera une ambiance un peu “roots”.
Je croise un coureur qui me dit “Hello”. Est-ce que j’ai vraiment une tête de touriste pour qu’on me dise “Hello” en Italie ?

Je suis de retour, j’ai des messages de Giorgio qui me propose de faire un barbecue ce soir. Oui d’accord, je veux bien manger de la viande. Peut-être que ça m’aidera à trouver de l’énergie car je n’en n’ai toujours pas.

J’attends que le temps passe. Je crois que c’est ça l’ennui. Attendre le temps passer. Je pourrais faire des choses mais mon corps refuse toutes les possibilités de s’affairer.

Il est aux alentours de 19h quand Giorgio arrive.

C’est un homme pas très grand, bronzé. Il est habillé avec des affaires de sport foncées et un bonnet. Il doit avoir entre 40 et 50 ans, il fait des gestes rapides et précis. Il semble content de me voir. Il me dit qu’il revient. Il est allé à sa voiture et en revient avec une glacière et un sac de course. Il en sort des barquettes en polystyrène remplies de côtes de porcs et de saucisses. Et aussi des “pepperoni” ce sont des poivrons, des “melanzana”, ce sont des aubergines, un cubi de vin de 5 litres, du pain, du fromage.
Encore une fois l’italien et l’anglais se mélangent dans ma tête. J’arrive quand même à me faire comprendre.

Giorgio a étudié le français à l’école. Il intercale quelques mots en français lorsqu’il parle. Ça fait vraiment longtemps que je n’ai pas coupé une côte de porc et mordu un morceau avec mes dents. Il faut beaucoup mâcher. Il y a un goût qui me rappelle avant. Avant quoi je ne sais pas. Avant simplement.
Le téléphone de Giorgio sonne, c’est son oncle Alberto que j’ai croisé en arrivant avant-hier. Il va venir manger. Giorgio met une troisième côte de porc à cuire. Les chats rôdent toujours attendant une maladresse de notre part pour récupérer un petit morceau de viande ou de fromage. C’est drôle d’être avec ces deux hommes. Alberto me dit qu’il est arrivé dans cette maison quand il avait 2 ans. C’était la maison de ses parents ainsi que le Airbnb qu’il a repris. J’imagine que ses parents sont morts. Je me dit que Giorgio venait peut-être ici en vacances quand il était plus jeune. Ils n’y a pas l’air d’y avoir beaucoup d’autres personnes dans la famille.

Tout est calme. J’ai fait une tisane. Parfois l’un de nous dit quelque chose, pose une question. On regarde les chats s’affairer autour de nous. Alberto s’en va. Giorgio me parle encore un peu. Il me dit qu’on se verra demain ou après-demain quand tu sera arrivée. 

J’ai très froid en sortant de la douche. Je sens le froid sur le devant de mes cuisses. Une fois emmitouflée dans le gros duvet violet de papa et maman ça va mieux.

Maëlle

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