
Porto Ferro, le 20.12.21
Chère Zélie,
Je ne dors pas bien cette nuit.
A 6h30, j’entends “Ayaccio, ayaccio” le bateau doit faire une escale en Corse, à Ajaccio, ça s’agite partout.
Dans mon semi sommeil je m’imagine que j’aurais pu prendre un billet seulement pour Ajaccio et rester sur le Ferry, comme une clandestine jusqu’en Sardaigne.
Je vois la mer et les îles au loin. La Corse et la Sardaigne. “Seulement 15 km les séparent » me dit un monsieur. Il semble faire parti de l’équipage car il a étrange un pantalon blanc. Il me demande si je viens en famille. Il est étonné d’entendre que je suis seule à vélo. D’ailleurs il n’y avait qu’un vélo à l’embarquement, le mien. Il essaye de me faire peur en me disant que je ne devrais pas aller dans certains quartiers de Cagliari. Je ne l’écoute plus.
Je discute de voyage sur le pont du bateau avec Maria et Jules, puis on petit-déjeune ensemble en parlant d’enfants, de Nummes… Maria est enceinte, elle me l’a dit hier, ce n’était pas attendu. Mais ils sont heureux tous les deux. Ils l’ont annoncé à leur famille juste avant de partir.
On se quitte, on s’échange nos numéros au cas où. On se dit qu’on pourrait se retrouver quelque part pour manger des pâtes. Je me dis qu’on va peut-être se recroiser par hasard, mais ce serait fou.
Je suis un peu perdue pour retrouver l’endroit où j’ai laissé mon vélo, je passe dans de grandes cales vides tout en bas. Je prends des ascenseurs. J’essaye de comprendre ce qui est écrit sur le ticket que l’on m’a donné hier en arrivant dans le bateau. Je demande ma route. Puis je remonte et retrouve le chemin vers mon fidèle destrier.
J’arrive à Porto Torres. C’est toujours drôle ce sentiment, d’arriver dans un pays étranger. Je me sens comme dans un film un peu vieux.
Je roule un moment sur des grandes routes avec pas grand monde et avec beaucoup d’usines et de déchets sur les bords. Des lieux qui semblent parfois abandonnés.
Les routes sont larges et pourtant il n’y a personne. C’est étrange. L’ambiance me fait penser à quelque chose de post-apocalyptique. Puis le paysage se transforme, petit à petit, ce sont des paysages plus verts, plus vallonnés, plus sauvages. Mais toujours personne sur les routes… C’est étrange… Tout est désert, je ne vois pas beaucoup d’humains, j’ai vraiment cette sensation de fin du monde. Je veux acheter un peu de nourriture mais je ne trouve rien, tout est fermé. J’ai mes fesses qui me brûlent et mon genou droit qui me pique.
Il y a quelques côtes. C’est calme, très calme. C’est comme si tout ce que j’avais toujours voulu (le silence, le calme..) était autour de moi, mais c’est comme si tout était trop calme et silencieux. Comme si d’un coup j’avais peur du vide, du rien, de la solitude, alors que c’est précisément cela que je recherche.
C’est 16h, j’arrive chez Giorgio, le warmshower qui a accepté de me louer une chambre pour le temps de mon confinement (5 jours de confinement pour les étrangers non vaccinés qui arrivent sur le sol italien..). C’est son oncle qui m’accueille. Il parle un peu français. Il me montre tout. C’est très rustique. Il n’y a pas de chauffage. Des araignées dans les coins… Une grosse bête noire qui sort de dessous la porte…
Je reprends mon vélo un peu plus tard pour aller faire des courses. Mais le market est fermé comme tous ceux devant lesquels je suis passée cette après-midi. Je vais dans une autre direction, j’ai vu qu’il y avait une pizzeria mais elle est fermée elle aussi… En revenant, il fait nuit. Un monsieur s’arrête et me demande en anglais si ça va. Je lui dit que oui, que je cherchais un magasin mais que je n’ai pas trouvé. Il me dit que c’est un peu tôt (je ne comprends pas pourquoi il dit ça, il est presque 18h…), mais qu’il peut m’amener à Santa Maria. Je dit ok. Je vais poser mon vélo au logement de Giorgio et je monte dans la voiture avec le volant à droite, de ce drôle de Monsieur très enthousiaste de faire ma connaissance. Je mélange les mots anglais et les mots italiens. Étrange rencontre. Il s’appelle Peter. Il me dit que si j’ai besoin de quelque chose, je n’hésite pas à venir lui demander, il n’habite pas très loin d’ici.
Des chats rôdent autour de moi pendant que je prépare des spaghettis à la sauce tomate. Ils semblent affamés.
Je m’emmitoufle dans mon duvet ce soir.
Je me sens vraiment dans un genre de film italien des années 70.
Tout est calme et je pense que je ne risque pas grand chose.
Maëlle
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